25 avril 2024
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L’Afrique francophone voit réapparaître ses cinémas

Finis, l’ABC, le Rex, le Vox, le Lux et le Rio, à Bamako. Fermés, les Studios, le Paris et l’Ivoire, à Abidjan. Depuis les années 1990, presque toutes les métropoles d e l’Afrique francophone avaient vu disparaître leurs cinémas. Tout un circuit de salles perdues – transformées en supermarchés, en églises évangéliques ou abandonnées –, à cause des politiques d’ajustement structurel, de crises ­politico-militaires, de manque de moyens et, aussi, de la désaffection d’un public siphonné par la concurrence des DVD et des bouquets télévisuels.

Mais la tendance s’inverse. Salles mythiques restaurées ou complexes flambant neufs, on compte désormais une cinquantaine de cinémas dans ces pays, contre moins de dix en 2010. Ils répondent aux besoins d’une jeunesse et d’une classe moyenne plus nombreuses, dont les attentes en matière de culture et de loisirs sont fortes. Résultat, ils sont rentables et ont

Quartiers vivants

C’est le cas des neuf salles du réseau CanalOlympia ouvertes par le groupe Vivendi (Bolloré), depuis janvier 2017, dans sept pays d’Afrique subsaharienne francophone : en Guinée, à Conakry (Kaloum), au Sénégal, à Dakar (Teranga), au Niger, à Niamey (Hippodrome), au Burkina Faso, à Ouagadougou (deux salles : Yennenga et Pissy), au Togo, à Lomé (Godopé), au Bénin, à Cotonou (Wologuédé), ainsi qu’au Cameroun, à Yaoundé (sur le campus de l’université de Yaoundé-1) et à Douala (Bessengué).

Implantées dans des quartiers vivants et proposant des tarifs relativement bas – 1 500 F CFA (2,30 euros) la place, 1 000 F CFA pour les enfants, 5 000 F CFA pour les sorties de la semaine –, elles ont accueilli près de 500 000 spectateurs en vingt mois et se révèlent être de véritables pôles d’attraction culturels, d’autant qu’elles sont également conçues pour accueillir des spectacles, en particulier des concerts. Conforté par ces résultats et par l’évolution exponentielle de la fréquentation en 2018, Vivendi ouvrira sa prochaine salle dans quelques semaines à Port-Gentil (Gabon), tandis que d’autres sont en construction à Parakou (Bénin), Brazzaville et Pointe-Noire (Congo) et Antananarivo (Madagascar).

« Après plus d’un an d’exploitation, nous constatons que les blockbusters, notamment américains, fonctionnent comme des produits d’appel et permettent à nos publics de renouer avec cette sortie culturelle », explique Christine Pigeyre, directrice des relations extérieures de Vivendi qui, début septembre, a pris les fonctions de PDG de CanalOlympia, succédant à Corinne Bach, promue à la direction du développement et des opérations de Studiocanal. « Mais, ajoute-t-elle, nous tenons aussi à inclure dans nos programmes des films issus du continent, afin de soutenir la création et les talents locaux. Ainsi, des films de Nollywood comme The Wedding Party 2 et 10 Jours à Sun City, ou le film d’animation camerounais Minga et la cuillère cassée ont été de véritables succès dans notre réseau. »

À guichet fermés

La première salle d’Afrique subsaharienne francophone à rouvrir et à être passée au numérique a été celle du Normandie, à N’Djamena, qui avait cessé toute activité depuis la guerre civile tchadienne, au milieu des années 1980. Rénovée par l’État sous l’impulsion des cinéastes Mahamat Saleh Haroun et Issa Serge Coelo (son directeur), la salle a rouvert fin 2011. Elle était la seule opérationnelle en Afrique centrale jusqu’à l’ouverture du MTN Movies House de Brazzaville, en août 2016, une salle créée dans l’ex-amphithéâtre de l’Hôtel de la préfecture par la société congolaise Cinebox, de Gilles-Laurent Massamba et Romaric Oniangue.

En Afrique de l’Ouest francophone, les deux premières salles à avoir été restaurées, grâce à la persévérance de deux cinéphiles (l’un malien, l’autre camerounais) sont celles du Ciné Magic Babemba, lequel reste le seul cinéma de Bamako, qui en comptait une quinzaine dans les années 1960-1970. À Abidjan, aucun grand écran ne brillait depuis quinze ans… Jusqu’en 2015. Cette année-là, le groupe Majestic, de Jean-Marc Béjani, y a ouvert le Majestic Ivoire (dans la mythique salle restaurée située dans l’enceinte de l’Hôtel Ivoire). Et son succès a été tel que, six mois plus tard, la société a ouvert deux autres salles, l’une au centre commercial Sococé, dans le quartier des Deux-Plateaux (à Cocody), et l’autre dans la galerie Prima (à Marcory).

Malgré des tarifs plus élevés (4 000 à 5 000 F CFA à l’Ivoire et au Prima, 3 000 F CFA au Sococé) que ceux du réseau CanalOlympia ou du Ciné-Magic de Bamako, les salles du Majestic font le plein de spectateurs. Pour répondre à la demande, le groupe prépare d’ailleurs l’ouverture de son premier multiplexe (3 écrans) au centre commercial Cosmos, à Yopougon.

Seul opérateur sur le créneau à Abidjan, il devra cependant bientôt compter avec un concurrent de poids. À l’instar de son compatriote Vivendi, le groupe Pathé, de Jérôme Seydoux, leader dans l’exploitation de salles en France, s’apprête à lancer son réseau de Cinémas Pathé-Gaumont sur le continent, où il est en train de construire deux multiplexes. Le premier (8 salles) devrait ouvrir début 2019 au centre commercial Tunis City, en partenariat avec la Copit (groupe Mabrouk), société exploitante du site, et WB Cinémas (de Wassim Béji). Le deuxième (5 salles) est en cours de construction à Abidjan, dans le mall de Cap Sud, en partenariat avec son promoteur, Prosuma, pour une ouverture fin 2019-début 2020.

Ainsi font le Fonsic et le Fopica

Les États participent eux aussi à la rénovation de salles, en subventionnant des initiatives privées. En Côte d’Ivoire, le Fonds de soutien à l’industrie cinématographique (Fonsic) attribue des aides pour contribuer au développement d’un circuit d’une vingtaine de salles. Au Sénégal, le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica) consacre une part de ses financements à la rénovation et à la modernisation de cinémas, dont Le Vox, à Ziguinchor, en cours de restauration, qui a reçu une aide de 75 millions de F CFA (114 000 euros), de même que Le Christa, à Dakar (quartier de la Patte-d’Oie). De quoi permettre à cette salle créée en 1995 par le réalisateur Tidiane Aw (décédé en 2009), et tant bien que mal maintenue ouverte par son fils Malick, de passer au numérique.

Source : Jeune Afrique

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